> Ateliers avec des enfants « vidomegon » de Cotonou (Bénin) - Sainjovinavo/Assovie - 2018

Vedoko, Cadjehoun, Midombo, Létondougbé, Gbégamey… Voilà quelques noms de marchés de Cotonou où sont actives l’association nancéenne Sainjovinavo et l’ONG locale Assovie, qui travaillent en partenariat.

Assovie (qui signifie « enfant épanoui dans un environnement sain ») est basée à Cotonou où elle intervient pour la protection de l’enfant et de la femme. Elle a pour mission principale l’éducation de base d’enfants défavorisés, non scolarisés ou déscolarisés, victimes de la traite et exploités dans les marchés.[1] Cette éducation se fait notamment par le biais de cours d’alphabétisation en français – langue officielle au Bénin, dans des salles de classes implantées au sein des marchés. Certains enfants bénéficient même de cours accélérés afin de leur permettre d’accéder au système scolaire classique.[2]


En accord avec les principes et les objectifs d’Assovie, l’association Sainjovinoavo organise des actions de soutien en faveur des droits de l’enfant et de la femme au Bénin. Parmi ces actions figure la collecte de dons, de matériel scolaire, de vêtements et de jouets durant l’année, ainsi que l’organisation d’une mission humanitaire à Cotonou une fois par an. Son but est d’ « offrir à ces enfants l’occasion de découvrir d’autres relations fondées sur le partage et l’échange. »[3]

Les ateliers de création artistique ont été réalisés dans le cadre de la mission humanitaire et du partenariat Assovie-Sainjovinavo.
Se déroulant sur le temps éducatif et dans les classes implantées au sein des marchés, ils étaient alors destinés aux enfants travaillant sur les marchés. L’âge de ces enfants tourne autour de 10 ans mais certains sont âgés de 6 ans seulement tandis que d’autres participants sont déjà dans un âge avancé de l’adolescence.
Pour certains, les ateliers correspondaient à une découverte de la peinture, avec des propositions invitant à manier les outils, agencer les couleurs et rencontrer la matière. Pour d’autres, les ateliers poursuivaient de manière créative le travail d’alphabétisation, avec par exemple l’introduction de l’écriture dans des productions peintes ou des productions réalisées avec du fil en métal.
Les ateliers proposaient aussi la réalisation de productions collectives, avec notamment des jeux de rythmes et de théâtre qui donnaient aux participants la possibilité de s’exprimer d’une autre manière encore.
Il s’agissait non seulement de leur offrir un moment de détente dans une longue journée de travail mais aussi de leur faire prendre conscience de leur potentiel créatif.

Impressions et ressentis d’ateliers

De la considération, c’est avant tout ce pour quoi les enfants se sont montrés reconnaissants. Rarement ces enfants sont considérés dignement comme des êtres humains. Trop souvent, ils n’ont pas d’autres choix que de dire oui à ce qu’on leur ordonne, au risque sinon d’être maltraités.

Comment accompagner un enfant brimé dans la création ? Comment lui faire saisir son potentiel créatif et lui donner la possibilité d’être auteur, sujet d’une production plutôt qu’objet d’exploitation ? Lui laisser petit à petit faire des choix – de couleurs et d’outils par exemple –, et lui offrir de l’espace pour son imagination. Ce processus progressif devait permettre à l’enfant de déployer sa créativité sans le mettre dans l’embarras face à une trop grande nouveauté.
Les productions qu’ils ont livrées sont chargées de couleurs vives et éclatantes. Elles contrastent ainsi avec leur quotidien triste et monotone. Probablement alors, sont-elles à l’image de la bouffée d’oxygène qui leur est offerte alors qu’ils s’échappent un instant de leur longue et dure journée de travail.
C’était un véritable cadeau lorsque, en fin d’atelier, la fatigue et la tristesse avaient laissé place à la joie et que les sourires des enfants illuminaient leurs visages, témoignage peut-être de la fierté d’avoir été l’auteur d’une production. En leur faisant saisir leur potentiel créatif, les ateliers leur donnaient la possibilité – ne serrait-ce qu’un court instant – d’être acteur de leur vie et de sortir d’un système qui les exploite et les rend esclaves. Ils leur ont fait entrevoir un champ de possibilités dont ils n’imaginaient peut-être même pas l’existence auparavant.  
Mais aussi, les ateliers constituaient tout autant une ouverture pour chaque participant, qu’un moment de partage collectif : peu importe que l’on soit Noir ou Blanc, petit ou plus âgé, fille ou garçon, pas de place ici à la discrimination et à l’exploitation. Ici, on a le droit de dire oui ou non, d’être respecté pour ce que l’on est, et de rire à gorge déployée. Lors d’un atelier, alors qu’un enfant venait de réaliser une voiture à partir de fil en métal, quelqu’un demanda : « Qui va dans la voiture ? »  « Nous ! » s’exclama le garçon auteur de la production. – « Et pour aller où ? » interrogea quelqu’un d’autre. – « À la plage ! » a répondu le garçon. Quelques jours après, nous nous sommes tous retrouvés à la plage et nous avons ri, ri, ri…

[1] Au Bénin, on appelle « enfants vidomegon » des enfants placés pour travailler. En principe, avec le Vidomegon, il s’agit simplement de confier son enfant à une autre famille pour qu’elle se charge de son éducation, mais il y a eu distorsion de la pratique au fil des années : des enfants, parfois très jeunes, sont vendus pour une modique somme, servent alors de domestiques et sont envoyés travailler sur les marchés. Ces enfants qui sont parfois maltraités ne vont pas à l’école. Ce sont en grande majorité des filles dont l’avenir, dans une société patriarcale, est souvent sacrifié au profit de celui des garçons.
[2] Blog de l’association : ongassovie.blogspot.fr
[3] Page facebook et site de l’association : leoerraes.wixsite.com/sainjovinavo/blank