> Ateliers avec des enfants des quartiers pauvres d’Amed, Bali (Indonésie) - Anak - 2018
Anak, Aide aux enfants d’Indonésie est une association humanitaire qui « œuvre pour l’éducation d’enfants issus de villages reculés de l’île de Bali, dans les zones où plus de 60% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. »
L’association aide et accompagne plus de 250 enfants dans leurs études, du primaire à l’université. [1]
En dehors des temps d’école, Anak accueille les enfants dans plusieurs centres socioculturels érigés sur l’île et leur propose des cours et ateliers : langues, informatique, arts traditionnels, musique, écriture, etc. Elle les encourage ainsi au quotidien à « s’ouvrir sur le monde, à libérer leurs potentiels créatifs à travers des activités culturelles et artistiques, à prendre conscience de leurs talents et à gagner en confiance et estime de soi ». [2]
C’est dans l’un de ces centres, à Amed, sur la côte est de l’île, qu’ont eu lieu les ateliers de création artistique. Sur une durée de deux semaines, environs 25 enfants et adolescents, pour la plupart issus de familles de pêcheurs, ont bénéficié d’un accès à l’art et à la création artistique. Avec l’aide d’un coordinateur local assurant la traduction de l’anglais au balinais ou au Bahasa Indonesia (nom donné à l’indonésien reconnu comme langue officielle), les participants ont expérimenté de nouvelles manières de s’exprimer artistiquement.
Les propositions de création les invitaient à déployer leur imagination. Les Balinais accordent une place prépondérante aux arts de toute sorte – danse, théâtre, chant, musique, peinture – cependant, ces formes artistiques sont très codifiées et il apparaît plus osé de déployer son imagination pour l’acte créatif. Par ailleurs, les participants des ateliers n’ont qu’une connaissance limitée voire nulle de ces arts davantage prisés par les plus aisés.
En outre, l’usage de l’anglais dans les ateliers répondait au souhait d’offrir aux participants la possibilité de s’exprimer dans cette langue. Sur une île où elle est loin d’être parlée par tout le monde, la connaissance de l’anglais est un atout en même temps qu’un moyen de plus pour ces jeunes de gagner en confiance dans tout domaine d’activité.
1. Site de l’association : anakbali.org/qui-sommes-nous/qui-est-anak.
2. Site de l’association : anakbali.org/qui-sommes-nous/notre-mission
Impressions et ressentis d’ateliers
Lorsque j’ai rencontré les enfants la première fois, j’ai rapidement noté à quel point ils manquaient de confiance en eux, envahi par la peur de s’exprimer à mes côtés, non seulement en anglais mais aussi dans leur propre langue. Pire qu’un manque de confiance, c’est même un sentiment d’infériorité que j’ai décelé dans leur attitude. Non seulement la position qu’ils occupent dans la société, mais aussi leur idéalisation de l’homme provenant d’Occident, pourraient en partie expliquer le manque de confiance et la peur de s’exprimer.
Il m’a alors paru nécessaire de détourner cette image de « la blanche venue leur apporter quelque chose qu’ils n’ont pas », pour leur faire plutôt découvrir une relation d’échange basée sur plusieurs modes de communication : l’anglais était alors en premier lieu notre langage verbal commun, tandis que je ne manquais pas d’employer les quelques mots de balinais ou de Bahasa Indonesia appris. Puis l’art, en tant que mode de communication non-verbale, venait compléter cet échange.
Difficile pour la plupart d’entre eux de trouver comment être auteur de sa propre création, de ne pas être tenté de copier ou de se laisser influencer par l’autre. C’était à moi de les accompagner sur ce chemin de la création car, pour des enfants qui ont peu d’estime d’eux-mêmes, la découverte d’être créatif, d’être auteur d’une production unique est un moyen de leur faire gagner en confiance.
Pour certains, peu évident aussi au départ de montrer sa production, de se montrer avec sa production. Mais petit à petit la gêne disparaît et c’est tout sourire que la plupart souhaitent finalement se faire photographier en affichant ce dont ils sont auteurs et ainsi communiquer leur créativité.
“I like painting !” dit l’un. “I like drawing!” dit l’autre. Et leurs yeux scintillants ainsi que leurs sourires – qui ne quittent rarement leur visage – traduisent leur gratitude envers moi pour leur avoir offert la possibilité de s’exprimer ainsi artistiquement.
Alors qu’après chaque atelier je repartais vers mon hébergement, je croisais sur la route longeant la mer ces mêmes enfants que je venais de quitter : en compagnie d’un père ou d’un frère pêcheurs nettoyant leur bateau ou réparant leur filet de pêche, ils s’adressaient à eux tout en me désignant ou m’adressant un signe. J’imaginais alors leur discours : « C’est avec elle qu’on a dessiné aujourd’hui ! ». Et je sentais la joie qui me traversait d’avoir pu apporter à ces jeunes cette ouverture, ce moment pour eux inouï. J’apprenais par la suite que certains avaient même fait des kilomètres à pieds pour participer aux ateliers.