> Ateliers avec des enfants des rues et des quartiers pauvres de Pondichéry (Inde) - Sharana - 2017

Les ateliers ont été réalisés au sein de Sharana, une association de développement social et durable située à Pondichéry en Inde (Sharana signifie « toit », « abri » en sanskrit). Tournée vers les plus pauvres, elle a pour objectif de « donner aux individus les moyens de devenir autonomes et cherche à leur faire prendre conscience de leurs propres forces pour améliorer leur vie» [1].

Pour atteindre cet objectif, Sharana a développé divers programmes, principalement dans les domaines éducatif, sanitaire et social : assistance médicale, approvisionnement de nourriture, accueil en crèche, aide au suivi scolaire et universitaire, formation professionnelle en menuiserie… Parmi ces nombreux programmes figure le « Street and Slum Program », un programme dédié aux enfants des rues et des quartiers pauvres de Pondichéry. Ces enfants sont issus de familles défavorisées sur le plan économique et social. Beaucoup d’entre eux sont des enfants de populations migrantes, itinérantes et sans abri. Pauvreté, mal- ou sous-nutrition, violence et problèmes conjugaux, abus sexuels, prostitution, alcoolisme, travail illicite…, voilà les maux qui touchent ces populations quotidiennement. Les enfants et adolescents évoluant dans cet environnement sont souvent privés de leurs besoins vitaux et d’un accès à l’éducation. C’est pourquoi Sharana a mis en place pour eux le « Street and Slum Program » pour leur apporter un soutien à la fois sanitaire, éducatif et psychologique.

Les bénéficiaires des ateliers proposés étaient les enfants et adolescents accueilli dans le cadre de ce programme. D’autres bénéficiaires des ateliers étaient les enfants d’Angalakuppam, un village situé à 15 kilomètres de Pondichéry, où Sharana a également mis en place une structure afin de porter assistance aux habitants.
Les activités quotidiennes proposées par Sharana aux enfants et adolescents du « Street and Slum Program » ont une visée éducative et pédagogique. Mais au-delà de cette visée éducative et pédagogique, elles leur offrent la possibilité d’une ouverture dans un quotidien lourd et difficile, et leur fournissent des clés pour surmonter leurs difficultés ; elles ont donc également une visée sociale, voire thérapeutique. C’est à ce titre également que les ateliers s’inscrivaient au sein de l’institution.
Chaque atelier proposait la réalisation d’une production et s’articulait autour d’une thématique. Les productions étaient essentiellement réalisées avec des matériaux relevant des arts-plastiques et plus spécifiquement avec de la peinture. Il était fait appel à d’autres médiums que celui des arts-plastiques, notamment le théâtre et la danse, pour les exercices d’échauffement qui précédaient la réalisation de la production. Les thématiques d’atelier étaient par exemple une exploration de la couleur et de la matière, un travail à partir de la forme du cercle, un autre à partir de la complémentarité des couleurs, ou encore à partir de la rencontre de matériaux.
Une enseignante travaillant dans l’association auprès des enfants m’assistait pendant les ateliers ; elle assurait notamment la traduction du tamoul à l’anglais et de l’anglais au tamoul.

1• Site internet de l’association : www.sharana.org

Impressions et ressentis d’ateliers

Je constatais que l’attitude des enfants envers moi évoluait au fur et à mesure du temps passé avec eux. J’apparaissais au départ pour les enfants un peu comme un objet de curiosité, un être à la peau blanche qu’il était nécessaire de toucher pour en scruter les veines de couleur verte et les grains de beauté marrons. C’est par cette observation mutuelle que les enfants et moi-même commencions à faire connaissance. Puis il y avait aussi les regards, les sourires, les tentatives de me dire quelque chose en tamoul.
Eux comme moi comprirent vite que ne pas parler la même langue ne serait pas un obstacle à notre communication. Bien au contraire, c’était l’accès rêvé au langage non-verbal. Parmi les plus petits, qui ne parlent pas encore, ni le tamoul ni toute autre langue, certains avaient dès notre premier contact engagé cette communication non-verbale par une main qui se tend pour qu’on la serre.
Les plus grands, qui possèdent davantage de notions d’anglais, utilisaient ces connaissances pour par exemple me demander mon prénom, mais faisaient aussi usage à leur manière d’un langage non-verbal, tantôt m’offrant une fleur, tantôt m’incluant dans un jeu.
Petit à petit, les enfants et les adolescents se montraient plus confiants envers moi, une confiance qui pouvait se lire à travers la distance physique qui s’amenuisait entre eux et moi. J’évaluais aussi cette confiance en étant réceptive aux énergies palpables entre nous, aux blocages qui pouvaient se créer comme aux mouvements fluides qui nous traversaient et traversaient l’espace.
Dans une attitude d’ouverture à l’opposé de tout ce qui pourrait relever de l’ethnocentrisme, et écartant toute vision unilatérale du monde – refusant notamment l’idée que ma présence était indispensable aux enfants accompagnés -, je me suis avant tout placée à leurs côtés dans un rapport d’égal à égal, d’être humain à être humain. L’échange fut riche. Il me semble que, autant pour eux que pour moi, les ateliers furent source de découverte. Beaucoup d’entre eux avaient déjà participé à des ateliers de production artistique auparavant ; cela se ressentait dans leur aisance à manipuler outils et peinture. Mais c’était encore une autre démarche qu’ils découvraient lors de ces présents ateliers : l’exploration de nouveaux outils et de nouveaux matériaux leur offrant une possibilité d’aller vers l’inconnu et de laisser l’inconnu venir à eux. Par là-même, une ouverture se créait, les sortant d’un quotidien connu et parfois douloureux.
En ce sens, il me semble que les ateliers menés, par l’accomplissement de leur visée sociale voire thérapeutique, ont trouvé leur juste place au sein de l’institution, répondant aux missions fixées par celle-ci.